@ Sirpa Air Plaquette Escadrilles (éditée par la 1ère Division Aérienne)

Fascicule "Bombardement" relié par un cordon rouge,

Préface du colonel Jules Roy :

Si le don nous était accordé de revenir en arrière et de choisir entre deux subdivisions d'arme ; si, riches d'une expérience qui a failli nous coûter la vie plus d'une fois, nous pouvions nous lancer à notre tour vers la haute école du ciel et rêver de victoires, de demi-dieux et de Croix de guerre longues d'un demi-mètre, je crois que nous retournerions à nos anciennes amours, c'est-à-dire au bombardement.
C'est que le bombardement nous a enseigné la patience, la peine, l'amitié et le prix de l'existence. Non seulement parce que de nos soutes pleuvaient les horreurs des massacres spectaculaires, mais surtout parce que la défaillance d'un seul d'entre nous pouvait causer la perte de l'équipage, et aussi parce que nous avons appris à exiger de nous-mêmes ce que nous demandions des autres, dont la présence nous forçait à nous dépasser.
Nous ne sommes ni des aigles, ni des cigognes, ni des serpents ailés, mais des béliers aux cornes d'étoiles, des oiseaux de nuit, des dragons vomissant des flammes, ou encore ce lapin portant allègrement sur l'épaule son baluchon d'errant ou ce gypaète égyptien aux plumes d'or et de sang. Quelle victoire n'est venue, d'abord, de nous ? Les plans des États-majors les plus savants eussent été voués à l'échec si nous n'avions, avec ou sans escorte, écrasé les ponts, les usines, les gares, les ports et les armées. Long cauchemar faisant trembler la terre avant d'éclater sur l'ennemi, nous illustrons le second terme, "terreur pendant les guerres", de la formule gravée sur le bâton des Maréchaux : decus pacis, error belli. Quant au premier, "honneur de la paix", je pense que nous n'en sommes pas indignes.


signé Jules Roy